À Shibuya

À Shibuya
Les rêves ont cédé le pas
À des sensations électriques

Pulsations des feux rouges
Hémorragies piétonnes
Toux publicitaires

Haute dans le ciel
La lune se fait
De plus en plus discrète

Derrière le décor
Force est de constater
La constance de quelques sourires anciens

Sous le néon blafard au plafond de l'escalator

Sous le néon blafard au plafond de l'escalator
En gare de Mitaka, sortie Musashino
Des araignées tissent leur toile avec patience
Et scrutent de leurs yeux impavides
Le flux quotidien des voyageurs
S'engouffrant dans le passage
Régulièrement chassées par les employés de la gare
Elles ne cessent néanmoins de revenir
Pour reprendre à zéro leur ouvrage
Inlassablement au même endroit

Des groupes de jeunes gens

Des groupes de jeunes gens
Devant la gare de Takadanobaba
Groupes de garçons, groupes de filles
Garçons avec filles, filles avec garçons
Conversations, délassement, amusements
Un écran vidéo diffuse des publicités
De la gare, on entend la petite mélodie du quai d'arrivée
Une jeune femme attend une amie
Qui se présente inopinément derrière elle
Heureuses surprises
Des rires fusent dans le brouhaha ambiant
C'est la fin de la journée
Des nuages de fumée s'élèvent du coin fumeur
La nuit tombe peu à peu sur la place
Luisent les enseignes électriques
Des restaurants, izakayas, karaokés
Qui se préparent à l'arrivée des clients

Jardin de pierre envahi par les herbes

Jardin de pierre envahi par les herbes
Au bord de la rivière Kanda
Quelques feuilles mortes jaunies jonchent le sol
Stèles au bord du trottoir

Là-bas, une autoroute aux piliers de béton
Surplombe les flots ombragées du cours d'eau
Le long d'une allée grisâtre menant au loin
Buildings aux contours flous sous un ciel cotonneux

Pêcheurs à la ligne

Pêcheurs à la ligne
Installés devant des bassins à poisson
À la sortie du métro

Le pont parfumé de soleil

Jeux d'ombre et de lumière
Dans les allées bordées de cerisiers
Le long de la rivière

Le chant facétieux des oiseaux

Résidences luxueuses
Bâties derrière de longs murs de pierre
Subtile combinaison de bois et de béton

Le tracé sinueux des ruelles et des allées

Un sanctuaire shinto miniaturisé
Sur lequel ont été déposées
De petites bouteilles de thé en plastique

Les bruits incessants des travaux

Marchands, boutiques, restaurants
Parcs, terrains de jeu, aires de gymnastique
La voûte du ciel surplombée par un réseau de câbles électriques

Joueurs de tambour

Joueurs de tambour
Raquettes et volants de badminton
Cerceaux
Gants de boxe
Bulles de savon
Balles de base-ball
Ballons de football
Ballons de rugby
Ballons de baudruche de toutes les couleurs
Ballons gonflés à l'hélium
Ballons en forme de maillets
En forme de gourdins
En forme de sabres
En forme d'animaux
Ours et pingouins géants
Dinosaures en plastique
Trains miniatures
Cabine de simulation de tremblement de terre
Toboggans, balançoires, bacs à sable
Jeux d'adresse
Tentes, tonnelles
Une odeur de saucisse
Fruits et légumes
Fritures, poissons grillés
Sorbets et sucreries
C'est aujourd'hui la fête des enfants
Au parc Kinshi
Arrondissement de Sumida



Le train passe

Le train passe
Son reflet
Sur l'immeuble d'en face

Une araignée suspendue dans le vide

Une araignée suspendue dans le vide
Depuis quelques temps déjà
Le chant des cigales s'est tu

Ne se connaissant ni d'Ève ni d'Adam

Ne se connaissant ni d'Ève ni d'Adam
Un homme et une femme
Unis par les liens du sommeil
Sur la banquette du métro

Songes inextricables
Malgré l'arrivée au terminus
Et le bruit des voyageurs
Pressés de rentrer chez eux

Se retrouvent-ils dans le même rêve ?

Le vide, le vide, où est-il ?

Le vide, le vide, où est-il ?
On le consomme chaque jour
Par bâtiments interposés

Un terrain vague

Un terrain vague dans un quartier noir de monde
La terre se repose
Un jour prochain, la moisson

Circulation des trains

Circulation des trains dans de grandes artères urbaines
Devant moi, à perte de vue
Un océan d'immeubles et de maisons

Pachinkos, écrans vidéos, camions publicitaires

Pachinkos, écrans vidéos, camions publicitaires
Les bruits assourdissants de la ville
Mon corps réclame le silence

Petites rues derrière la gare de Shibuya

Petites rues derrière la gare de Shibuya
De chaque restaurant émane une odeur de brochettes
Symphonie olfactive

Fontaine et jeux d'eau

Fontaine et jeux d'eau
Autour desquels une poignée d'enfants
S'amusent frileusement
Terrain de base-ball déserté
Le parc Kinshi
S'anime à petits pas sous le ciel couvert
Au loin, la Tokyo Sky Tree
S'élance paisiblement
Dans une forêt de buildings

Les épais nuages
Soudainement las de s'appesantir
Disparaissent furtivement
Et laissent se dévoiler
Le chatoiement des feuillages illuminés
Comme dans un rêve d'automne

Bâtisse en béton aux murs noirs de suie

Bâtisse en béton aux murs noirs de suie
Dans laquelle une vieille femme fait griller du poisson
L'épaisse fumée serpente le long de la rue
Jusqu'à époumoner les boutiques voisines
Niché derrière un arbre, juste en face
Un fleuriste
Couleurs lumineuses du début de l'automne
L'odeur du graillon se mélange aux parfums des fleurs

Dans une petite rue en retrait
Je m'installe sur un banc parmi les hautes herbes
Une nuée de moucherons en suspens
Dans le sillage de la fumée de cigarette

Un soir d'automne sous une lune voilée

Un soir d'automne sous une lune voilée
La pluie battante chasse les passants vers la gare
Bousculade de parapluies
Les nuages tirent sur le vermillon

Barques pleines d'eau vaseuse

Barques pleines d'eau vaseuse
Amarrées à l'ombre d'une rangée de cerisiers
Se dépouillant peu à peu de leurs feuilles
De l'autre côté de la rivière
Le métro qui passe

Sur le chemin de la gare de Mitaka

Sur le chemin de la gare de Mitaka
Il est onze heures passées
J'emprunte de petites rues quasi-désertes
Un vélo-cycliste me double sur ma droite
Passage piéton. Le feu vert. Je m'avance
Une longue rue étroite s'étire devant moi
Des personnes âgées sortent de chez eux
Un livreur portant des paquets descend de sa bécane
Un air de musique s'échappe d'une école de quartier
Les maisons aux toits de tuiles
Derrière de petits murs de pierre, briques, béton
Jardins miniatures. Pots de fleurs posés sur le trottoir
Des pins se dressent sous le ciel nuageux
Je croise un groupe d'enfants devant une école de karaté
Quelques badauds
Ma cigarette jetée dans une bouche d'égout
Une coccinelle toute noire se pose sur mon bras
Les maisons deviennent des immeubles, magasins, bureaux
Pancartes et banderoles
La place devant la gare.
Bus et taxis en vadrouille
Devant la statue équestre d'une femme
Arborant un flambeau
La tumultueuse frénésie du matin a cédé la place
À cette douce quiétude
Il me semble qu'il va pleuvoir

Un après-midi au parc Inokashira

Un après-midi au parc Inokashira
C'est le week-end
Le parc s'agite
Toutes générations confondues
Enfants, parents, curieux, oisifs, solitaires
Me voici parcourant les allées
Près du lac dans lequel évoluent
Carpes et canards apprivoisés
Au milieu d'une cohue de pédalos
Un chanteur, la soixantaine bien tassée
Se lance dans une prestation rock'n'roll
Infatigables morceaux de bravoure
Plus loin, un magicien non sans malice
Fait rire la foule par ses prestidigitations rocambolesques
Le tour du lac
Changement d'atmosphère, mais toujours la musique
Égaie mes oreilles
Des pianistes jouent sur synthétiseurs
La carte de la sentimentalité
Tandis qu'une autre aime à se délasser
Dans un bain de sonorités traditionnelles
Sur les bancs ceinturant l'eau
Des couples se murmurent leur passion à l'oreille
Célibataires et leur chien
Des enfants se dépensent dans le terrain de jeu
Tant de souvenirs en quête de forme
Bercés par la langueur des feuilles virevoltantes
Une rangée de marchands au bout du chemin
Propose à qui mieux mieux
Gravures sur bois, dessins à l'encre de Chine
Paysages en demi-teinte
Paysages des jours heureux

Afflux matinal

Afflux matinal
Devant la gare de Mitaka
Chemises blanches et pantalons noirs
Quelques irrégularités ici et là
Ruisseaux humains
Même pas, même allure
On ne se piétine pas

Assis sur un banc
Étourdi et l'œil hagard
Une horde de pigeons déguenillés m'entoure
Affamés
Mais finalement déçus
Ils s'en vont vers mon voisin
Qui leur procure quelque pitance
La journée vient de commencer

Installé au bord d'un trottoir

Installé au bord d'un trottoir
Je regarde tomber les premières feuilles mortes
Annonciatrices de l'automne
Non loin de moi, un employé de bibliothèque s'enquiert
comme chaque matin de ramasser
Ces végétaux dépéris
Jusque dans les recoins les plus insolites
Rassemblés en petits tas éphémères
Ils s'offrent à la vue des passants
Comme autant de monuments mortuaires de saison

La nuit, déjà

La nuit, déjà
Autour de la gare d'Ébisu
Fermeture des bureaux
On rentre, on passe, on s'en va
La foule
Claquement des pieds sur le trottoir
Là, on attend
Le bus, un ami peut-être
Au coin fumeur, les yeux vers le ciel
Les étoiles refusent de luire
La foule, son flux, sa cadence
Le trafic, le tumulte, les bruits
Autour de soi, de gris immeubles élancés
Dessinent la rue dans d'étroites gorges
Humides
Il a plu
Au passage piéton, on attend
On regarde, on écoute
La foule autour de soi
Les étoiles refusent de luire
Lumière, enseignes, néons
Publicité électrique
Symboles divers
Immersion
Submersion
La ville tressaille, la ville s'agite
Le regard en alerte
On traverse, on s'arrête, on laisse passer
Des vélos derrière soi
Un escalator, lumière crue, plafond haut
Une galerie marchande
La foule tressaille, la foule s'agite
Remous prompts comme l'éclair
Enfin, le métro passe
Je m'assieds dans un coin de la rame
Repos

Deux, trois canards

Deux, trois canards le long d'un plan d'eau
Au parc Inokashira
L'un d'eux s'efforce avec son bec
D'arracher les feuilles d'un cerisier
Ces dernières résistent, le canard renonce
L'arbre esseulé sous le soleil matinal
Poursuit sa lente progression à la surface de l'eau